dimanche 28 avril 2013

Message du Professeur Claude Férec


Le point sur la mucoviscidose
Inserm – UMR1078, Brest
Pascal Trouvé, PhD
 
Historiquement, l’apparition de la mucoviscidose semble se situer en Turquie et en Irak il y a 5000 ans. Elle s’est ensuite rependue vers l'ouest, au cours des siècles, atteignant l'Europe, l'Amérique (latine et du nord) et l'Australie. Les migrations humaines lui ont permis de se propager à travers toute la planète. On retrouve la mucoviscidose dans la littérature du XVII° siècle, dans des récits parlant d'enfants au « baiser salé », en référence à la sueur abondamment riche en sel des enfants atteints. La première description réellement médicale de la maladie date de 1936 avec le Pr Fanconi qui la caractérise et lui donne le nom de « Mucoviscidose ». Il faudra cependant attendre 1953 pour que le Pr Di Sant Agnese propose un moyen diagnostic fiable, toujours utilisé aujourd'hui: le test de la sueur. Finalement, ce n’est qu’en 1989 que le professeur Lap Chee Tsui a repéré l'anomalie génétique responsable de la maladie.

La mucoviscidose est en effet une maladie génétique. C’est la plus fréquente dans les populations d’Europe du nord ouest et d’Amérique du nord. En France, elle touche un nouveau-né sur 4500 avec des différences régionales importantes: l’incidence est d’une naissance pour 3000 en Bretagne et d’une naissance pour 7000 en Languedoc-Roussillon.

Mais qu’est-ce qu’une maladie génétique ? Une maladie génétique est une maladie due à des anomalies des chromosomes qui sont présents dans toutes nos cellules et qui sont à l’origine de notre hérédité. Ainsi, sachant que nos gènes sont responsables de la production de molécules nécessaires à la vie de nos cellules, les protéines, un défaut génétique conduit à un défaut de fonctionnement de certaines cellules de l'organisme. Pour résumer, une erreur sur un gène conduit à une protéine altérée et donc à un mauvais fonctionnement des cellules et donc des organes.

Dans le cas de la mucoviscidose, le gène atteint est le gène CFTR (de l’anglais Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator). Sachant que nos gènes viennent pour moitié de notre père et pour moitié de notre mère, pour qu’un enfant soit atteint il faut que chaque parent lui transmette une copie atteinte du gène. A chaque grossesse il y a donc 25 % de risques d'avoir un enfant atteint si les deux parents sont porteurs sains. La protéine produite par le gène CFTR est un canal faisant sortir le chlorure des cellules. Pour cela, la protéine canal, le CFTR, doit être située dans la membrane des cellules. Environ 1935 mutations différentes du gène ont été mises en évidence dans la maladie, avec des impacts plus ou moins sévères sur la santé des patients. Dans le cas le plus fréquent (mutation F508del, 70% des patients), le canal est maintenu dans la cellule et n’atteint pas la membrane. Ceci conduit aux anomalies caractéristiques de la maladie avec des atteintes principalement pulmonaires et digestives graves. L’atteinte pulmonaire est responsable de l’essentiel de la morbidité et de la mortalité: le mucus produit par les cellules qui tapissent les bronches est plus épais que la normale. Il s’écoule difficilement et fournit un milieu propice à la multiplication des germes (bactéries, champignons) qui provoquent des infections et petit à petit la destruction du tissu pulmonaire.

La recherche sur la mucoviscidose est très active en France et dans le monde et l’amélioration des traitements symptomatiques, permet une augmentation significative de la durée et de la qualité de vie des patients. La recherche de molécules pouvant améliorer le fonctionnement de la protéine défectueuse, soit par action directe soit par le biais de gènes modificateurs, la thérapie génique consistant à introduire dans les cellules malades le gène CFTR fonctionnant correctement est en progrès constant.

Pour notre part, au sein du laboratoire Inserm du Pr Claude Férec à Brest, nos recherches portent sur la mise en évidence de protéines associées au canal CFTR. En effet, la protéine ne fonctionne pas seule dans les cellules. Elle a besoin de protéines partenaires pour lui permettre d’atteindre la membrane des cellules et y avoir une activité canal normal. Nous avons pu mettre en évidence l’un de ces partenaires et nos recherches se concentrent actuellement sur la mise en évidence de moyens thérapeutiques permettant d’augmenter le lien entre le CFTR anormal et ce partenaire, afin de rétablir un minimum fonctionnel dans les cellules. Ces recherches permettent aussi de mieux comprendre comment, à partir d’une mutation sur le gène, on aboutit à la maladie.

En conclusion, même si des avancées majeures dans la compréhension de la mucoviscidose ont vu le jour depuis la découverte du gène en 1989, elle reste une maladie grave. Mais la recherche avance ! L’espérance de vie des patients augmente inexorablement: un enfant dont la mucoviscidose est dépistée à la naissance est passé en 40 ans de 7 à plus de 45 ans. Un médicament, le Kalydeco, indiqué dans le traitement de la mucoviscidose chez les patients âgés de 6 ans et plus, porteurs de la mutation G551D du gène CFTR (3% des patients) est maintenant disponible. Il faut donc garder espoir et continuer le combat. Les malades, les associations de soutien aux patients et à la recherche, les médecins et les chercheurs œuvrent ensemble, jour après jour, pour lutter contre la mucoviscidose. Il est raisonnable de penser que les années à venir verront naître de nouvelles découvertes qui placeront la mucoviscidose en échec.


L'optimiste est une forme de courage qui donne confiance aux autres et mène au succès - Baden-Powell





Message du Professeur Claude Férec
de l'Etablissement Français du sang
de Brest (29-Finistère) 

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